Retour sur le livre de Sara Daniel : La Putain du Califat
Qui est Sara Daniel ?
Sara Daniel, née le 23 août, fille d’un journaliste et d’une photographe, est journaliste, écrivaine et grand-reporter 1966. Couvrant l’Afghanistan puis l’Irak, elle rencontre Marie, et écrira pour lui rendre justice « La Putain du Califat ».
Contexte géopolitique
Le 11 septembre 2001, a lieu aux États-Unis, un attentat commandité par le leader d’Al-Qhaïda, Ben Laden. Ce dernier finit par s’enfuir en Afghanistan, pays dans lequel il est protégé par certains de ses habitants, les Talibans. Ces derniers refusent de le livrer quand cela leur est demandé par les Américains, ce qui engendre une guerre opposant les États-Unis à l’Afghanistan.
En 2003, George W. Bush, Président des États-Unis, déclare la guerre à l’Irak, craignant des actions terroristes des Talibans. Cette guerre permet de renverser le dictateur de l’Irak, Saddam Hussein. Ces deux guerres ont entraîné dans la région des instabilités politiques, ce qui a permis à l’islam radical appelé Daech de s’imposer de plus en plus dans ces pays, surtout en Irak. Le but de Daech est de créer un nouvel état nommé Califat dans lequel il appliquerait la charia, autrement dit la loi islamique radicale, caractérisée par la position d’infériorité de la femme dans la société. L’État islamique extrémiste représenté par Daech détache des femmes jeunes voire très jeunes de leur famille pour les vendre comme esclaves sexuelles à des « maîtres » qui les violent et brutalisent dans certains cas, créant d’énormes traumatismes chez ces victimes.
Le contexte du livre
La Putain du Califat raconte l’histoire de Marie, une jeune chrétienne Irakienne, qui deviendra esclave sexuelle pour Daech. Sara Daniel, grande reporter à L’Obs, la rencontre une première fois. Elle est saisie par son histoire est décide d’en faire un livre. Marie, de son vrai nom Jacqueline, a subi coups, violences, viols et humiliation, et a été vendue à 13 maîtres différents.
Sara Daniel relate tout le cauchemar qu’à pu vivre Marie pendant près de deux ans, comment elle s’est retrouvée dans les mains de ces malfaiteurs, la liste malheureusement exhaustive de toutes ses horreurs, puis de quelle manière elle s’en est sortie, sans oublier l’après, les traumatismes, les séquelles et la reconstruction de cette jeune femme.
La rédaction de l'ouvrage
Sara Daniel raconte ainsi les deux ans de calvaire de Marie, de quelle manière brutale elle a été vendue 13 fois et considérée comme « esclave sexuelle » par l’état islamique de Daech. C’est de cette manière-là qu’elle et Marie ont voulu raconter cette histoire, en « recrachant » tels quels les propos choquants de ses anciens malfaiteurs. Marie a tenu à aider Sara dans l’écriture de ce livre et lui a livré tous les noms exacts de ses ravisseurs. Son témoignage glaçant exprime toute la violence avec laquelle Daech traite les habitants de son pays, à commencer par les femmes. La lecture de ce livrequi veut faire prendre conscience aux gens la gravité de la situation est difficile. Pendant de longs mois Marie a été rabaissée et humiliée, traitée comme ce qu’elle n’était pas : une putain. Voilà comment Sara Daniel a trouvé le titre brut, choquant, mais nécessaire de La Putain du Califat.
Durant cette conférence à laquelle nous avons pu assister, Sara a souligné le fait qu’elle a rencontré Marie grâce aux indications de toutes les femmes de son village. Ces dernières voulaient absolument que la journaliste entende son vécu. Elle nous a également dit qu’être une femme dans le journalisme lui a permis de la rencontrer de manière privilégiée, là où un homme journaliste n’aurait pas eu cette possibilité.
Jacqueline, ou plutôt Marie (nom que ses ravisseurs lui donnaient) est une jeune femme ayant vécu le pire. Violée et violentée à innombrables reprises par ses différents maîtres, elle gardera à vie des séquelles physiques, psychologiques et même symboliques.
Elle était brune, aux yeux clairs, chrétienne et Irakienne, et rares sont les esclaves sexuelles de religion chrétienne, les chrétiens étant considérés comme une classe aisée. Marie était donc une esclave que les maîtres voulaient absolument et ne vendraient qu’en denier recours.
9 septembre 2014 : c’est la date de son premier viol, acte dont Marie se souviendra toute sa vie. Fait par un homme relativement âgé, Marie sut à ce moment précis que ce serait le début d’une lutte douloureuse.
Pendant deux ans, Marie a redoublé de stratégie, d’intelligence et de force pour tenir face à ces horreurs. Là-bas, existait une sorte de manuel d’esclavage avec règles et interdictions à respecter. Marie l’a appris par cœur et avait le courage de reprendre tous les hommes qui tentaient de la violer en leur rappelant qu’ils n’avaient pas le droit de le faire avec une esclave qui n’était pas la leur. C’est de cette manière qu’elle a réussi à dénoncer certains gestes déplacés auprès du juge et ainsi à changer de maître. Elle possédait également une grande capacité d’adaptation et un grand sens de l’humour, choses qui l’ont peut-être sauvée durant ces moments difficiles.
Je me suis longtemps demandée comment Marie a pu survivre à ce genre d’atrocités, et je crois que ni moi ni Sara Daniel n’aurons la réponse.
Marie a une fois tenté de mettre fin à ses jours en essayant de sauter d’un toit pour échapper à un énième viol, mais par miracle elle survécu.
Voyant que l’esclavagisme devenait de plus en plus illégal, le dernier maître de Marie a relâché tour à tour ses esclaves, et s’est résigné à vendre sa dernière esclave, la plus rare et chère, Marie. Elle fut donc sauvée. Une fois rentrée chez elle, alors qu’elle pensait que ce cauchemar allait prendre fin, sa famille la rejeta finalement, car, étant considérée comme « esclave sexuelle » pendant presque 2 ans, elle était une honte pour sa famille et la communauté chrétienne, ils ne la considérèrent plus comme leur fille. Elle était maintenant livrée à elle même et seule.
Sara Daniel nous a expliqué que pour Marie, ces viols étaient une attaque symbolique et une abolition sociale, car là où sa famille aurait pu l’épauler et l’aider, ces derniers l’ont rejetée à cause de la religion.
Aujourd’hui Marie a finalement été aidée, soignée, opérée, et vit reculée de son plein gré en Australie, par peur d’être surveillée et écoutée (ces séquelles sont dus à ses nombreux traumatismes).
Ambre Masselin & Mary Lecarpentier